La nouvelle semble très prometteuse, surtout pour des amateurs de compagnies ultra low-cost comme nous. Mais l’annonce d’hier de la compagnie ultra low-cost Canada Jetlines et de l’Aéroport de Saint-Hubert n’est vraiment pas aussi intéressante qu’elle en a l’air.
Soyons clair: on adore les compagnies ultra low-cost (ULCC), car c’est un modèle d’affaires qui rend le voyage plus accessible à tous, en faisant baisser le prix des billets d’avion.
C’est grâce aux ULCC qu’on t’a partagé des prix comme Montréal-Paris pour 247$ aller-retour sur notre page de deals de vols pas chers. J’ai pris des vols à 14$ aux États-Unis, des vols à 9€ en Europe… bref, les compagnies ultra low-cost sont géniales pour ceux qui, comme nous, veulent voyager plus.
Et on a bien sûr très hâte qu’un ULCC canadien débarque au Québec pour complémenter les ULCC internationaux déjà ici.
Mais malgré l’annonce d’hier, il est bien possible que Canada Jetlines ne soit pas le premier ULCC à venir au Québec (puisqu’ils n’existent encore que sur papier).
Sinon, voici plus de détails.
Mise en contexte
On en a déjà des ULCC internationaux à partir de Montréal vers l’Europe et vers les Antilles françaises, et d’autres ULCC vers la Floride à partir de l’aéroport secondaire de Plattsburgh (de l’autre côté de la frontière). Tu peux d’ailleurs voir la liste complète des liaisons ultra low-cost de Montréal.
Jusqu’à tout récemment, il n’y avait pas de ULCC du tout au Canada (ce n’est d’ailleurs pas surprenant que le Canada soit un des pays les plus chers au monde pour les vols intérieurs).
Mais depuis cette année, il y a maintenant 2 ULCC canadiens en opération (Swoop et Flair) pour les vols intérieurs au Canada, vers les États-Unis et vers le Sud au départ du Canada. Mais aucun des deux ne dessert encore le Québec. Le troisième, Canada Jetlines, travaille fort sur son lancement… mais n’a jamais vendu un billet.
Commençons par le début.
L’annonce d’hier
Ce qui a été annoncé, c’est un “partenariat” entre Canada Jetlines et l’Aéroport de St-Hubert, sur la rive-sud de Montréal. Je met “partenariat” entre guillemets, car c’est volontairement vague comme mot.
Je n’ai évidemment pas vu l’entente, mais je parierais qu’il n’y a absolument rien de binding (contraignant) pour Jetlines là-dedans, c’est plutôt une lettre d’intention très générale qui ne les engage finalement à rien (et je vais expliquer pourquoi).
Tous les médias qui rapportent la nouvelle donnent l’impression que c’est un done deal, que c’est très officiel et que la compagnie s’en vient à Saint-Hubert… mais il ne faut pas se réjouir trop vite.
Premièrement, déjà quand on regarde le message de Jetlines sur les réseaux sociaux, c’est pas mal plus vague. «Nous sommes présentement en discussion», c’est pas mal moins concret (mais c’est plus près de la réalité).
Quand on lit le communiqué de presse officiel de Canada Jetlines, on comprend rapidement que ce n’est vraiment pas une annonce concrète et que c’est en fait pas mal un exercice de relations publiques qui profite aux deux côtés.
Le fait est que l’Aéroport de St-Hubert a besoin de leverage pour convaincre le gouvernement fédéral de lui donner la désignation officielle d’aéroport. C’est d’ailleurs explicitement dit dans le communiqué que tout dépend de ça. Sans ça, pas de vols commerciaux… c’est vraiment dommage mais c’est un enjeu complexe et je n’entrerai pas dans tous les détails réglementaires.
J’espère honnêtement que ça va fonctionner et que le gouvernement va être ouvert à supporter Saint-Hubert, Trois-Rivières, Sherbrooke et les autres qui veulent la désignation. Car ça prends absolument des alternatives et des aéroports secondaires pour les voyageurs du Québec (avoir plus de choix c’est toujours bon pour les consommateurs) parce que les aéroports de Montréal et Québec ont comme plan clair d’être des aéroports haut de gamme et on veut plus d’options.
Bref, c’est un bon coup de l’Aéroport de Saint-Hubert, sauf que ça demeure que ce n’est rien de concret à ce stade-ci. Mais c’est de bonne guerre, ce “partenariat” est un argument de plus qui leur permet de démontrer au gouvernement qu’il y a un intérêt de la part d’une compagnie aérienne.
Le problème c’est justement la compagnie aérienne. J’y arrive, mais disons simplement que Canada Jetlines gagne aussi à forger ce “partenariat” parce que ça montre à leurs nombreux investisseurs qu’ils prennent des actions concrètes et que les choses bougent… et que peut-être un jour ils vont devenir une compagnie aérienne autrement que sur papier.
Ça leur permet de donner confiance à leurs actionnaires (leur capitalisation boursière est de 41M$, pas mal pour une compagnie en lancement depuis bientôt 3 ans).
Avant de t’en dire plus sur Jetlines, une observation comme ça: Jetlines ont l’air aussi passionnés par le fait de vendre des actions que par le fait de transporter les gens (certains diraient même plus). Je ne me rappelle pas avoir déjà vu le stock ticker (indicateur du prix de l’action) sur la page principale d’une compagnie aérienne (en haut à gauche en plus). Ni autant d’infos pour les investisseurs mises très en évidence.
Comme ils ne sont pas encore en opération, peut-être que les investisseurs sont les seuls qui visitent leur site, ça pourrait faire du sens… mais ils parlent souvent de leurs actions sur les réseaux sociaux aussi. Peut-être aussi que leur équipe provient simplement trop du milieu financier, je ne sais pas.
Qui est Canada Jetlines
Depuis le début 2016, Canada Jetlines fait beaucoup de bruit pour dire qu’ils vont lancer leur ULCC au Canada. Ça va faire bientôt 3 ans, et ils n’ont toujours pas pris possession d’un avion… ni annoncé la moindre liaison.
Contrairement à Swoop et Flair qui sont bien établis et en opération depuis des mois, Jetlines prend du retard et a repoussé son lancement qui était initialement prévu en juin 2018 à une date ultérieure (qui n’a toujours pas été dévoilée). Leurs premiers avions sont sensés être livrés dans la première moitié de 2019 selon l’entente qu’ils ont signé avec une compagnie de location. C’est pas mal le seul échéancier connu à ce jour.
Mais ce qui est le plus étrange dans leur histoire, c’est leur obsession à répéter toujours (et souvent) qu’ils vont bientôt être le “premier vrai ULCC au Canada”… malgré que Swoop et Flair soient pourtant des ULCC qui sont bien vrais (et qui existent et sont déjà en opération eux en plus). Ils continuent pourtant de répéter cette ligne… même si c’est complètement faux, c’est juste vraiment étrange.
On a d’ailleurs tenté de communiquer avec des représentants de Jetlines hier pour avoir des commentaires, mais ils n’ont pas encore répondu à notre demande.
Bref, en tant qu’expert de l’industrie de l’aviation, je ne suis pas très confiant par rapport à Canada Jetlines à ce stade-ci. J’espère qu’ils se lancent réellement, car au risque de me répéter, plus de choix pour les voyageurs c’est toujours mieux (comme avoir le choix de payer pour un bagage enregistré ou non), mais disons que je n’ai pas encore été convaincu par ce qui a été fait à ce jour. Ils ont embauché des dirigeants compétents récemment, alors espérons qu’ils pourront mener le projet à bien.
Mais il faut aussi dire qu’aux États-Unis (325M de population) et en Europe (740M de population), ils n’ont que 3-4 ULCC majeurs chacun. Et là avec Jetlines on en aurait 3 au Canada (pour une population de 37M)… disons que 3, c’est beaucoup.
Je pense honnêtement qu’on a encore plus de chances que Swoop et Flair ajoutent le Québec à leur réseau déjà existant…. que de voir Canada Jetlines décoller de Saint-Hubert.
Par contre, j’espère me tromper car je veux absolument plus d’options low-cost au Québec et tant mieux si c’est Canada Jetlines qui l’offre, on pourra tous «participer au soulèvement contre les tarifs aériens élevés».
Sommaire
L’annonce du partenariat entre la compagnie ultra low-cost Canada Jetlines et l’Aéroport de Saint-Hubert n’est certainement pas une mauvaise nouvelle, mais c’est loin d’être quelque chose de concret à ce stade-ci. Et ayant vu aller Canada Jetlines depuis les dernières années, je ne suis personnellement pas hyper confiant à ce stade-ci!
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